Docteur, ai-je vraiment besoin d’un antibiotique ?

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Par Janet Currie et Johanna Trimble

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Qu'est-ce que la résistance aux antibiotiques et pourquoi doit-on y porter attention ?

Lorsque les antibiotiques ne fonctionnent plus pour tuer les bactéries, on parle de résistance aux antibiotiques. Cela signifie que les infections causées par des bactéries peuvent devenir difficiles ou impossibles à traiter avec les antibiotiques. On observe par exemple que les infections urinaires sont de plus en plus résistantes aux antibiotiques qui, avant, les guérissaient facilement et rapidement. Autre exemple : certains types de tuberculose sont résistantes à plusieurs antibiotiques et peuvent causer la mort, tout comme elles l’étaient avant l’utilisation des antibiotiques.

Au Canada, plus du quart des infections bactériennes sont maintenant résistantes aux antibiotiques qui devraient efficacement les guérir (1). En 2018, on a estimé que 15 Canadiens meurent chaque jour à cause de la résistance aux antibiotiques (1). Selon l’Organisation mondiale de la santé, la résistance aux antibiotiques est l’une des dix problèmes de santé publique les plus importants de notre époque (2). La résistance aux antibiotiques s’est récemment aggravée en raison d’un moins grand nombre de nouveaux antibiotiques développés au cours des dernières décennies, en particulier ceux qui ciblent les bactéries les plus résistantes.

Pourquoi les aînés devraient-ils se préoccuper de la résistance aux antibiotiques ?

Les Canadiens âgés de 60 ans et plus reçoivent 1,5 fois plus d’ordonnances d’antibiotiques que les autres groupes d’âge (3). Plusieurs raisons expliquent cela. Les aînés peuvent avoir un système immunitaire plus faible, ce qui les rend plus vulnérables aux infections bactériennes. De plus, les personnes qui vivent dans des centres de soins de longue durée ou qui sont hospitalisées sont plus à risque d’être exposées à des « superbactéries » comme le C. difficile. Le C. difficile peut provoquer une diarrhée potentiellement mortelle, en particulier chez les personnes dont le système immunitaire est affaibli ou chez celles qui ont récemment utilisé des antibiotiques. C. difficile est maintenant résistant à la plupart des antibiotiques.

Quelles sont les causes de la résistance antibiotique ?

Older woman feeling ill, wrapped in shaw and pulling a tissue from a tissuebox.
  • L’utilisation d’antibiotiques lorsqu’ils ne sont pas nécessaires

    Les antibiotiques sont souvent prescrits pour traiter des maladies qui ne sont pas causées par des bactéries, comme le rhume et la grippe. Un autre exemple commun est lorsqu’un test de laboratoire montre la présence de bactéries dans l’urine, mais qu’il y a aucun symptôme d’une infection urinaire. Cela peut être fréquent chez les aînés. Dans ce contexte, donner des antibiotiques pourrait entraîner une résistance aux antibiotiques.

  • L’utilisation excessive d’antibiotiques à large spectre

    Les antibiotiques à large spectre sont un type d’antibiotique qui tue plusieurs types de bactéries et non pas seulement les bactéries spécifiques responsables de la maladie. Un exemple de ces médicaments sont les fluroquinolones, des antibiotiques à large spectre dont le nom se termine par « floxacine », comme la ciprofloxacine ou Cipro®. Leur surutilisation contribue à la résistance aux antibiotiques. Des antibiotiques qui se concentrent sur les bactéries spécifiques à l’origine de l’infection devraient être utilisés lorsque c’est possible. Parfois, des tests sont nécessaires pour déterminer le type de bactérie en cause. À noter, les fluroquinolones doivent aussi être utilisées avec prudence car elles peuvent causer des effets secondaires nocifs (4).

  • Ne pas suivre les instructions 

    Il est important de n’utiliser que les antibiotiques qui vous ont été prescrits et de les prendre pour toute la durée prescrite et ce, même si l’infection semble être guérie avant la fin du traitement.

  • Une utilisation mondiale d’antibiotiques mal réglementée

    Les antibiotiques sont surutilisés dans l’agriculture, la production de fruits de mer et de viande. Dans certains pays, ils sont disponibles sans ordonnance, ce qui entraîne une surconsommation et contribue à la résistance. Les résidus de l'utilisation d'antibiotiques contaminent le sol et l’eau, une autre cause de résistance aux antibiotiques.

Que pouvez-vous faire pour réduire la résistance aux antibiotiques ?

Young woman health care professional and older man discuss the patient's medications.

À éviter :

  • Ne partagez pas vos antibiotiques et n’utilisez pas des antibiotiques restants d’anciennes ordonnances.

  • Si votre médecin, infirmière, dentiste ou pharmacien vous dit que vous n’avez pas d’antibiotique, n’exigez pas d’en recevoir un.

À faire :

  • Demandez à votre médecin, infirmière, dentiste ou pharmacien : « Ai-je vraiment besoin d’un antibiotique ? »

  • Si on vous prescrit des antibiotiques, suivez les conseils de votre médecin, infirmière, dentiste ou pharmacien.

  • Prenez les antibiotiques tels que prescrits, même si vous vous sentez mieux avant d’avoir terminé.

  • Prévenez les infections bactériennes :

    • Lavez-vous les mains régulièrement, surtout après être allé aux toilettes et avant de manger.

    • Évitez tout contact étroit avec des personnes malades.

  • Assurez-vous que vos vaccins soient à jour.

  • Sensibilisez vos proches aux dangers de la résistance aux antibiotiques et aux façons d’utiliser les antibiotiques de façon judicieuse.


PARLEZ TOUJOURS À VOTRE MÉDECIN, VOTRE PHARMACIEN OU VOTRE INFIRMIÈRE AVANT D'ARRÊTER OU DE MODIFIER LA DOSE DE TOUT MÉDICAMENT.


Références

1. Conseil des académies canadiennes. (2019). Quand les antibiotiques échouent. Ottawa (ON): Comité d’experts sur les incidences socioéconomiques potentielles  de la résistance aux antimicrobiens au Canada. https://www.rapports-cac.ca/wp-content/uploads/2018/10/Quand-les-antibiotiques-%C3%A9chouent-4.pdf

2. Organisation mondiale de la santé. (17 novembre 2021). Résistance aux antimicrobiens. https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/antimicrobial-resistance 

3. Agence de la santé publique du Canada. (3 avril 2018). Prescrire les antibiotiques judicieusement (Points cliniques). Gouvernement du Canada. https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/publications/medicaments-et-produits-sante/prescrire-antibotiques-judicieusement.html

4. Santé Canada. (23 janvier 2017). Résumé de l’examen de l’innocuité - Fluoroquinolones - Évaluation du risque potentiel d’effets secondaires persistants et incapacitants. Gouvernement du Canada. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/medicaments-produits-sante/medeffet-canada/examens-innocuite/resume-examen-innocuite-fluoroquinolones-evaluation-risque-potentiel-effets.html

À propos des auteures :

Janet Currie est une travailleuse sociale impliquée dans la sécurité des médicaments et des patients depuis plus de 17 ans. Elle est particulièrement préoccupée par la sécurité et l'efficacité des médicaments en psychiatrie et leurs répercussions sur les aînés. Elle est ancienne coprésidente du Réseau canadien pour la santé des femmes et membre du Comité consultatif d'experts sur la vigilance des produits de santé de Santé Canada. Elle possède et gère un site Web sur la sécurité des médicaments psychiatriques et a souvent témoigné devant le Sénat canadien et le Comité permanent de la santé sur la surveillance des médicaments d’ordonnance et les effets nuisibles des médicaments. Elle termine un doctorat sur la sécurité des médicaments et l’usage des médicaments à des fins autres que celles approuvées par Santé Canada, à l’University of British-Columbia. Janet est membre exécutive et présidente du comité de sensibilisation du public du Réseau canadien pour l’usage approprié des médicaments et la déprescription.

Johanna Trimble est une défenseure des droits des patients et membre du BC Patient Voices Network. Elle est membre du sous-comité de soins gériatriques et de soins palliatifs du Council on Health Promotion for Doctors of BC. À titre de conférencière, elle enseigne à des étudiants en médecine de première année à l’University of British-Columbia au sujet de la gériatrie communautaire ainsi qu'à des étudiants en pharmacie, sur les problèmes liés à la médication dans les établissements de soins de longue durée. Johanna est membre active du comité de sensibilisation du public du Réseau canadien pour l’usage approprié des médicaments et la déprescription.

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