Les médicaments et l’environnement

L'Organisation mondiale de la santé identifie les changements climatiques comme étant la plus grande menace à la santé humaine du 21e siècle. Le secteur de la santé, incluant les médicaments, constitue l’un des plus grands contributeurs de gaz à effet de serre, en plus d’entraîner de vastes impacts environnementaux.

Cet article discute de l'impact environnemental des médicaments et comment la déprescription s’inscrit comme solution pour réduire ce fardeau. Car oui, vous avez bien lu : la déprescription peut être bénéfique pour le patient, le système de santé… et l’environnement !


Le saviez-vous ?

  • Le secteur des soins de santé est responsable d’environ 5% des émissions totales de gaz à effet de serre (GES) au Canada.

  • Les médicaments représentent 25% des émissions de GES du système de santé canadien, ce qui en fait la catégorie la plus importante, suivie de près par les hôpitaux (Eckelman et al. 2018).

  • En 2020, le Canada avait le deuxième taux d'émission de GES par habitant le plus élevé parmi les 11 principaux pays et régions émetteurs (Gouvernement du Canada 2020).


Les impacts environnementaux des médicaments

Émissions de gaz à effet de serre et réchauffement climatique

La production des médicaments compte pour une importante partie des émissions de gaz à effet de serre (GES) du système de santé. L’extraction et le transport des matières premières, la fabrication, l’emballage, l’expédition, et l’élimination des médicaments sont toutes des étapes qui contribuent à l’émission de GES.

Certains médicaments ont davantage d’impact sur les émissions de GES. C’est le cas de certaines pompes utilisées chez des personnes souffrant de maladies pulmonaires comme l’asthme (aérosol doseurs) qui sont responsables à elles seules de 2% des émissions de GES dans le secteur de la santé au Canada (Association pulmonaire du Québec 2022). Certains gaz anesthésiants utilisés en milieux hospitaliers sont aussi très polluants.

Contamination des eaux et des sols

Les médicaments entrent principalement dans l’environnement via leur élimination par l’urine et les excréments des humains et des animaux qui les consomment. Ils peuvent également se retrouver dans l'environnement lorsque les médicaments périmés ou inutilisés sont jetés par erreur dans les éviers, les toilettes ou les ordures plutôt que d’être rapportés à la pharmacie ou dans un écocentre (INSPQ 2014).

La plupart des stations d'épuration des eaux ne sont pas conçues pour éliminer les médicaments qui sont rejetés. Ceux-ci se retrouvent donc dans les cours d’eau (OECD 2019). Plus de 600 médicaments différents ont été détectés dans les eaux et les sols à travers le monde, et nous en savons peu sur l’impact que cela peut avoir sur les écosystèmes et sur la santé des êtres vivants (aus der Beek et al. 2016).

Impact sur la biodiversité

Les médicaments peuvent avoir des impacts sur les espèces animales qui vont y être exposées (OECD 2019). Voici des exemples précis d’impacts des médicaments sur certaines espèces animales:

  • L’usage vétérinaire de l’anti-inflammatoire diclofénac dans les élevages de bétail en Asie du sud a entraîné la mort de presque tous les vautours de la région. Ceux-ci se nourrissaient des carcasses de bétail (Oaks et al. 2004, Richards et al. 2017).

  • L’exposition de certaines espèces de poissons à des substances à action oestrogénique telles que les contraceptifs hormonaux dans des lacs en Ontario a mené à une féminisation des poissons mâles, à une difficulté de reproduction et a pratiquement mené à l’extinction de certaines espèces (Kidd et al. 2007).


Et la déprescription dans tout ça ?

Une étude du Royaume-Uni a estimé qu'au moins 10 % du nombre total de médicaments prescrits dans les soins primaires sont non nécessaires. (Department of Health & Social Care 2021).

En milieu hospitalier, on a estimé qu’une réduction de la consommation de médicaments de 5 % dans un hôpital de 200 lits pourrait entraîner une réduction des émissions de GES de plus de 100 tonnes par an, ce qui équivaudrait à environ 4000 voyages de 100 km en voiture (Sergeant et al. 2022, EPA 2023).

La consommation de médicaments inutiles ou inappropriés a des impacts néfastes sur les patients et sur l’environnement. Les médicaments parcourent un long chemin avant d’être pris par les patients, le voyage de l’extraction à la consommation pouvant s’étendre sur des milliers de kilomètres à travers le monde. Cela entraîne une importante utilisation des ressources et émission de GES (Tao et al. 2023). Imaginez l’impact que pourrait avoir la déprescription sur la planète !

Les possibilités sont grandes : encourager l’optimisation des médicaments, y compris la déprescription des médicaments nuisibles ou inutiles, peut aider à minimiser leurs impacts et leurs méfaits sur l’environnement. La déprescription peut améliorer la santé des patients tout en réduisant les effets indésirables, les déchets et les coûts.


Découvrez différentes ressources en lien avec la déprescription pour :


Autres outils à découvrir et à partager

Que ce soit avec la déprescription ou avec d’autres moyens, voici des ressources qui peuvent aider les cliniciens et administrateurs de la santé à réduire leur empreinte écologique :

  • Cette coalition a créé une boîte à outils pour les cliniciens qui regroupe des outils et des pistes de solutions pour réduire l’empreinte écologique causée par l’utilisation de médicaments. Des guides et webinaires pour les hôpitaux, les milieux de soins de longue durée et les pharmacies pour encourager la mise en place de procédures pour protéger l’environnement sont aussi disponibles.

  • CASCADES est une initiative canadienne qui favorise la mise en œuvre de pratiques et de politiques de santé durables au Canada. Des guides destinés aux cliniciens en pharmacie, en soins primaires et en spécialités cliniques ont été développés pour permettre d’intégrer des actions clés dans la pratique clinique pour minimiser l’impact environnemental des soins de santé.

  • Ce guide élaboré par un comité environnemental local (Éco-CMDP de Laval) avec une clinique médicale (GMF-U/CLSC du Marigot) propose des initiatives concrètes et peut s’illustrer comme un point de départ pour les cliniques de soins de première ligne qui souhaitent réduire leur empreinte écologique.